SYRIUS
 
Il y a très longtemps, dans certains pays nous étions acceptés à bras ouverts, voir adulés et proche des divinités.

Dans certaines tribus comme chez les grecs, par contre, on nous a détesté. Un seul pays nous marquera jusqu’à la fin de nos jours. Un pays où une tribu africaine nous a reconnu et nous a attribué un roi. Un prêtre sorcier a souhaité que nous soyons à l’affût du mal à l’entrée du village. Ils nous avaient conditionnés à lutter corps et âmes contre les forces maléfiques. Le médium de notre nom, on s’en souvient encore.
Un jour Dieu avait dit : - Anubis, Scylla, je vous dote de ces instincts rares aux autres bêtes : fidélité, dévotion et protection de votre maître. Vous ne posséderez pas la puissance, de peur que vous vous confronteriez agressivement à leur attitude incompréhensible. Marchez à leurs côtés. Protégez-les
Faites que la vie des hommes ne soit plus une solitude. Quelques secondes plus tard, il avait envoyé sans attendre la première vague de chiens destinée à devenir le meilleur ami de l’homme.
 
*
Yaakov installa son pupitre sans attendre. Tout le monde était là :
 
- Silence ! Silence, s’il vous plait.
La foule se calma et s’installa.
 
- Je vous ai réunis ce soir, car j’ai quelque chose de très important à vous dire. J’ai réussi à intégrer une substance dans un aliment principal pour votre meilleur ami le chien qui va changer le monde.  Bien, je vais vous montrer. Vous allez comprendre assez rapidement.
 
Le professeur Lizhensteïn ouvrit le coffre. Il en sortit une gamelle pleine de croquettes. Il demanda dans la salle si quelqu’un voulait se porter volontaire. Un des amis de Syrius approcha sans hésiter. Il lui tendit la gamelle quand soudain une voix surgit du fond de la salle :
- Quoi ?! Je rêve ! Vous nous faites venir pour de la nourriture pour chiens ?!
 
C’était le même vieux grabataire que tout à l’heure : un homme pressé de savoir et de repartir répandre la nouvelle auprès des siens. - Chut ! Laissez-le s’expliquer lança un autre. Le volontaire redressa la tête. Il avait tout mangé. Le professeur annonça publiquement aux journalistes et chefs d’entreprises qu’il avait travaillés pendant dix ans sur ce projet : créer une molécule capable de modifier génétiquement l’organisme d’un chien et développer son comportement.
 
 
Sur un quai de gare aérien, une femme attend patiemment sa voiture hélico. Son chauffeur ne va pas tarder à arriver. Il est passé récupérer sa fille à l’école. En attendant, un article de journal attire son attention : « Un chercheur Américain a relevé un pari fou : Intégrer une molécule bionique dans des croquettes pour chiens. La réaction chimique provoquée par certaines substances permettrait de développer en quelques minutes : l’articulation, les muscles et leurs attaches. Silone, le chien test a permis de vérifier qu’à l’absorption de cet aliment, il était doté peu de temps après d’une force surhumaine. Vos chiens pourront détecter le danger à plus de cent mètres à la ronde, anticiper l’arrivée des cambrioleurs, voir à travers les murs… 300 tonnes de croquettes Hélinedor, tout droit venues du laboratoire, attendent patiemment dans un hangar le tampon du CMAB (conseil mondial alimentaire bestial) pour la mise en vente. »
 
Laura n’en croyait pas ses yeux. Yaakov avait réussi. C’étaient des années de patience pour aujourd’hui une reconnaissance. Cynthia, sa fille, sera contente d’avoir un petit chiot pour son anniversaire qui pourra porter son cartable… Les années passèrent et le professeur Lizhensteïn gagnait toujours beaucoup d’argent. Tous les pays avaient réclamé sans attendre les croquettes ‘’hulkuniennes’’.
 
Puis un jour, il reçut une lettre qui disait : « Professeur Lizhensteïn, Au début, j’ai trouvé votre idée formidable et je ne jurais que par vous. Un jour, j’ai oublié de nourrir ma chienne Samba. Comme d’habitude, Je l’ai laissée seule à la maison. Le soir, en rentrant du travail, le cauchemar avait déjà commencé. Elle était affalée par terre. Elle avait vomie partout, tout déchiré, cassé la vaisselle et défoncé les portes. J’ai pensé qu’elle était malade, alors j’ai tout simplement supprimé les croquettes et les ai remplacés par d’autres. Voyant que son état empirait j’ai alors tenté de le redonner vos croquettes. Elle s’est calmée. Pendant dix ans, elle n’a eu aucune mauvaise réaction. Un soir, elle a essayé de me tuer. Comme tous les maîtres, je la maltraite un peu. Ça lui fait du bien. Mais je ne pensais pas qu’un jour lui traverse l’esprit de se venger. En pleine nuit, j’ai été réveillé de mon sommeil par ses pattes qui me serraient la gorge. Flic, j’ai eu le réflexe de sortir mon arme cachée sous l’oreiller et de tirer. J’aurai pu y passer. J’ai prévenu la CIA. Je doute aujourd’hui de vos bonnes intentions en créant ces croquettes miracles. Madame Olga Feininger. »
 
C’était la fin du commencement. Avant la commercialisation, il n’avait pas pensé à étudier la possibilité d’effets secondaires. Le lendemain, le facteur livra un sac en toile plein de lettres de réclamations. Puis l’inimaginable arriva. Un premier mouvement de chiens enragés prit en otage toute une ville, puis une autre. Les hôpitaux de la région étaient complets. Entre les bras arrachés, les visages balafrés, le personnel n’avait pas le temps de réfléchir à ses horreurs. Tout le monde était dans l’urgence d’aider ses personnes en danger, oscillant entre la vie et la mort. L’alerte internationale fut lancée et tout le matériel de Yaakov Lizheinstein réquisitionné. Le président des affaires internationales demanda à tous les pays de l’union de contribuer financièrement à l’enveloppe créée pour trouver un antidote.
 
Chaque pays avait basculé dans l’horreur. Des quartiers, des villes entières étaient pris en otage par leurs chiens. Le dressage de l’homme allait se faire petit à petit. Hommes et femmes qui refusent de se soumettre, se retrouvent déchiquetés ou attachés aux poteaux de la ville comme des sioux. Nous somme en 2041. Qui aurait pensé que dix ans plus tard une molécule allait inverser la complicité homme-chien ?! Personne.
Des hélicoptères circulaient nuit et jour pour rapatrier tous les blessés. C’était la première année que personne n’avait pensée à fêter noël. Le 24 décembre au matin, on transféra le professeur et son chien dans un laboratoire de la CIA. Ils avaient décidé de les surveiller 24 heures sur 24. Ils avaient prévu de tout faire pour que le professeur trouve un antidote pour remédier à cette inversion. Ce qui était étrange, c’est que Syrius n’avait jamais goûté aux croquettes. Le soir de noël, on proposa de mettre le professeur et son chien dans le laboratoire qu’on ferma à double tour. Vers 20 heures, un homme passa déposer du foie gras, une bouteille de champagne et des criquets grillés en chocolats. Il avait dit : - Profitez en. Demain, vous allez passer au billard. Ils vont vous brancher au détecteur de mensonges.
 
Yaakov lui avait répondu :
- Joyeux noël. Que dieu vous garde !
 
Le lendemain matin, la femme de ménage fut alertée par les aboiements du chien. Par précaution, elle s’adressa aux surveillants qui étaient en pause. Le chef du centre de rétention CIA vint rapidement. Le gardien ouvrit la porte. Syrius, le chien, pleurait. À ses côtés, Yaakov tenait un papier écrit de ses mains :
 
 
« - Je m’excuse. Je n’aurai jamais pensé que cela puisse fonctionner un jour. J’avais rêvé d’un monde meilleur, dirigé par des chiens. L’espèce humaine a maltraité son meilleur ami. J’ai voulu lui faire comprendre que si le chien avait le pouvoir, il pouvait faire aussi bien sinon mieux que l’homme. Mon invention a été plus loin que je pensais. Ils ont tellement souffert de la maltraitance de leur maître, de leur ancêtre, qu’ils ont les outils en main pour se venger maintenant. Je n’avais pas prévu qu’ils soient si violents. Si tout se déroule comme prévu, le mois prochain, la dixième année s’achèvera. Le second plan sera à maturation. Ils n’auront plus besoin des passerelles sensorielles. Ils pourront parler. La manipulation sera inversée. Je ne peux pas revenir en arrière. Je ne veux pas revenir en arrière. Il est déjà trop tard. ».